Madagascar est renommée pour sa faune et sa flore exceptionnelles. Mais qu’en est-il de sa flore fongique (encore appelée « fonge ») ? En février 2025, trois scientifiques du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), Florent Martos, Matthieu Jérusalem et Marie-Stella Jagou, ont passé quinze jours dans la forêt de Iaroka afin d’étudier les champignons et les orchidées.
Financée par la Fondation « Professeur Athanase Saccas », leur mission fut de récolter des sporophores de champignons associés aux racines d’arbres (des ectomycorhiziens), et des sporophores de champignons se développant dans le bois (des polypores, croutes, etc.).

Deux des nombreuses espèces de champignons de Iaroka qui restent à identifier : Russula sp. (champignon ectomycorhizien) et Armillaria sp. (parasite biotrophe et saprophyte).
Ces chercheurs ont aussi répertorié les espèces d’orchidées dans la forêt et récolté leurs racines, car celles-ci hébergent des champignons microscopiques (des « rhizoctonias ») appartenant à des groupes fongiques différents de ceux associés aux racines des arbres.
Deux arboristes grimpeurs de l’île de la Réunion (Jean-Jacques Segalen et Thierry Le Boulbin) sont venus prêter main-forte aux scientifiques. Équipés de harnais, cordes, casques et mousquetons, ces professionnels de la grimpe d’arbre ont permis aux chercheurs d’étudier aussi les orchidées dans la canopée.

Jean-Jacques Segalen, Florent Martos et Thierry Le Boulbin à la recherche des orchidées et de leurs mycorhizes dans la canopée jusque-là inexplorée.
Des partenariats entre le MNHN de Paris et le Parc botanique et zoologique de Tsimbazaza (PBZT) et le Missouri Botanical Garden (MBG) à Madagascar ont été établis pour faciliter les recherches et permettre des collectes de spécimens et d’échantillons en suivant scrupuleusement la réglementation.

Heureusement, nous avions un excellent chauffeur ! De gauche à droite : Matthieu Jerusalem, Jean-Baptiste Randrianasolo (chauffeur au Missouri Botanical Garden de Madagascar), Vololotahina Razafindrahaja et Marie-Stella Jagou
Grâce aux patrouilleurs de l’association V.O.I. Iaroka, qui sont financés par la FFO, l’équipe scientifique a pu explorer différentes zones de végétation dans la forêt de Iaroka : sur crêtes, versants secs ou humides, bords des cours d’eau… Setra, primatologue de l’ONG IMPACT-Madagascar s’est joint au groupe, ainsi que Corinne Leong, la présidente de la V.O.I. Iaroka.

Visite avec 6 patrouilleurs, Corinne Leong, présidente de la V.O.I. Iaroka., Marie-Stella Jagou, Matthieu Jérusalem et Setra.
Les échantillons collectés ont été préparés chaque soir à l’hôtel Eulophiella (merci à Marc et sa famille pour leur accueil chaleureux !), puis au siège du MBG à Antananarivo avant le retour des chercheurs en France. Ils rejoindront plus tard le Fungarium et l’Herbarium du MNHN à Paris. Des doubles de collections resteront à l’Herbarium du PBZT.
La mission a déjà découvert plusieurs espèces nouvelles de champignons et d’orchidées, comme cette fleur de Bulbophyllum dans la canopée.
Près de soixante espèces d’orchidées réparties dans 17 genres ont été vues en fleur pendant cette mission. L’orchidée épiphyte Cymbidiella falcigera, dont le Raphia farinifera serait l’hôte exclusif, a été observée pour la première fois à Iaroka.

Retour au lodge Eulophiella en fin de journée : Marie-Stella Jagou, doctorante à l'Université de La Réunion et au MNHN et Florent Martos à la réalisation et au tri des herbiers d’orchidées
La mission d’exploration scientifique a été une réussite, apportant des informations précieuses sur la biodiversité des champignons et des orchidées, et les défis de conservation. La déforestation par le feu menace tout autour de Iaroka. Le cœur de la forêt est apparu très préservé aux yeux des chercheurs, qui ont identifié des zones clés nécessitant d’autres inventaires naturalistes à différentes périodes de l’année.
Florent Martos (coordinateur de la commission scientifique de la FFO)
Photo d’entête, de gauche à droite : Modeste (patrouilleur, V.O.I. Iaroka), Abraham (chef des patrouilleurs, V.O.I. Iaroka), Thierry Le Boulbin (arboriste, La Réunion), Matthieu Jérusalem (chargé de mission au MNHN, doctorant à l'Université de Liège en Belgique), Setra (permanent sur place d’IMPACT-Madagascar), Florent Martos (MNHN), Vololotahina Razafindrahaja, botaniste du Parc Botanique et Zoologique de Tananarive (PBZT), Jean-Jacques Segalen (arboriste, La Réunion), Marie-Stella Jagou (doctorante au MNHN et à l'Université de La Réunion)