Madagascar : visite de la mine d’Ambatovy à Moramanga

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Jean-Michel Hervouet
De gauche à droite : Christian Roussel, Célestine Mandimbisoa, Jean-Michel Hervouet, Arsela Todivelo, Chantal Hervouet, Laurette Oriot, à l’entrée de l’ombrière.

Madagascar : visite de la mine d’Ambatovy à Moramanga

Le 24 septembre 2025, une délégation de six membres de la FFO* a visité la mine d’Ambatovy, une des plus grandes mines de nickel et cobalt au monde, dont la pulpe de minerai est convoyée par un pipeline de 220 km jusqu’au port de Tamatave sur la côte est. Avec 40000 tonnes de nickel et 4000 tonnes de cobalt par an, la mine représente plus de 30% des exportations de Madagascar. La présence de métal était connue depuis longtemps puisque Ambatovy signifie « le lieu des pierres de fer ». La croûte ferrugineuse qui recouvrait la zone était peu propice à la culture et a contribué initialement à la préservation d’une forêt assez basse et chétive, en raison de la toxicité du sol, mais propice aux orchidées.

Lors d’une première visite en 2002 (voir l’Orchidophile n°159, pp. 253-265), au tout début de l’installation de la mine, nous avions pu constater la richesse de la forêt. Nous avons demandé en 2025 à voir l’orchidarium et l’ombrière à orchidées, et surtout la zone de conservation.

Nous sommes d’abord reçus dans les bureaux de la compagnie à Moramanga. Célestine Mandimbisoa nous a préparé un programme minuté et nous accompagnera pour cette journée, avec verve et bonne humeur. La journée commence par une vidéo de présentation générale et de consignes de sécurité. Le consortium nippo-coréen qui gère la mine tient à se montrer attentif aux aspects sociaux, environnementaux et de sécurité.  Dûment protégés de casques, de gilets fluos et de lunettes, nous partons ensuite en minibus vers le site minier, situé à une dizaine de km de Moramanga, en commençant par 6 km vers le nord, sur la route d’Ambatondrazaka (RN 44).

Un premier arrêt devant le centre de traitement des déchets nous permet de voir à la fois une zone en pleine exploitation, énorme colline de latérite rouge où de gigantesques camions qui paraissent tout petits charrient du minerai, et une zone en réhabilitation avec de jeunes arbres à différents stades de maturité.

De gauche à droite : Christian Roussel, Célestine Mandimbisoa, Jean-Michel Hervouet, Arsela Todivelo, Chantal Hervouet, Laurette Oriot, à l’entrée de l’ombrière.

Nous sommes ensuite rejoints par Tovoniaina Randrianarivelo, du bio-centre, et Arsela Todivelo, en charge des orchidées, pour la visite de l’ombrière et de l’orchidarium. Bien que le périmètre de la mine soit d’accès soigneusement contrôlé, quelques villageois ont conservé le droit d’y entrer. Ceci ne va pas sans problème, ainsi du bétail peut vagabonder dans les zones reboisées et abîmer les plants. L’orchidarium a été victime de larcins et est maintenant constamment gardé par deux militaires.

Cet orchidarium est une serre remplie d’orchidées, le plus souvent sur des plaques suspendues, ou dans des pots pour les espèces terrestres. Ces plantes proviennent des zones exploitées et attendent d’être remises en place sur les surfaces en réhabilitation.

Gastrorchis steinhardtiana

A une centaine de mètres de l’orchidarium, l’ombrière d’acclimatation abrite aussi de très nombreuses plantes cultivées, dont une des stars est Solenangis impraedicta, récemment décrite et première du genre à Madagascar.

Parmi les plantes encore non identifiées à Ambatovy nous reconnaissons Bulbophyllum lichenophylax et Cynorkis rosellata, cette dernière bien connue à la Réunion. En revanche nous ne connaissions pas Gastrorchis steinhardtiana, espèce terrestre présente ici dans l’ombrière en grand nombre et en pleine floraison.

Bulbophyllum lichenophylax

L’échange avec Tovoniaina et Arsela est intense et nous sommes le plus souvent, et avec soulagement, d’accord sur les déterminations. Les naturalistes d’Ambatovy travaillent avec le Missouri Botanical Garden, en particulier avec Brigitte Ramandimbisoa, qui participe aux déterminations.

Cynorkis rosellata

Nous gagnons la zone de conservation toute proche, dans un lieu où se font aussi des essais de réintroduction. Surprise, en quelques minutes nous trouvons Habenaria cochleicalcar qui pousse là spontanément. Initialement connue uniquement par son holotype collecté dans le sud, nous l’avions trouvée à Ambatolaona en juillet 2023, non loin de Moramanga. Voici donc une nouvelle espèce pour Ambatovy, dans une liste qui atteint le chiffre prodigieux de 383, soit presque 40% de toutes les espèces malgaches !

L’éperon remarquable d’Habenaria cochleicalcar

Le bio-centre que nous visitons ensuite est le laboratoire des naturalistes. Il contient une banque de graines maintenues à basse température. On y prépare les planches d’herbier et les spécimens en alcool, qui permettront des études plus approfondies. Par exemple de nombreux spécimens en provenance d’Ambatovy ont été déposés au MNHN à Paris.

Le programme de protection des forêts englobe l’Ankerana (6800 ha), les forêts de conservation de la mine (3644 ha) et le Corridor Forestier d’Analamay-Mantadia (CFAM, 14000 ha). Pour bien comprendre l’enjeu et la situation, il faut réaliser que depuis notre visite de 2002 la déforestation fait rage en dehors du périmètre de la mine. Depuis la route toute neuve qui va de Moramanga à Ambatondrazaka, ce ne sont que mornes plaines dévastées où ne subsistent que quelques eucalyptus qui peinent à jeter un scion vers le ciel tant ils sont rapidement découpés à coups de « antsibe », grand couteau ou machette, ou brûlés par le feu mal maîtrisé d’un charbonnier. La réserve d’Ambohidray, proche de la route, est sévèrement attaquée, il s’en échappe chaque jour des pelotons entiers de bicyclettes chargées de charbon de bois et ses orchidées sont en vente sur le marché de Moramanga. Le périmètre de la mine offre donc un répit, paradoxal et inattendu, à la forêt. Avec une question subsidiaire : que se passera-t-il ensuite ?

La journée se termine par un gag. Célestine, qui nous sait passionnés d’orchidées, veut m’offrir le livre « à la recherche des orchidées de Madagascar », avant de réaliser que j’en suis l’auteur ! Comme le monde est décidément très petit, chaque participant repartira avec le livre « Ambatovy Nature » et ses extraordinaires photos en hyperfocus de Philippe Martin (homonyme de l’ex-président de la FFAO), ouvrage publié par les éditions Biotope…

Nous garderons le contact avec les naturalistes d’Ambatovy pour participer aux identifications. Leur objectif ambitieux est « zéro perte », c’est-à-dire que le site d’Ambatovy ne doit perdre aucune espèce du fait des activités de la mine.

Après cette première visite nous sommes évidemment très désireux d’explorer plus longuement la zone de conservation et ses multiples orchidées.

Jean-Michel Hervouet

 

* groupe composé de Chantal et Jean-Michel Hervouet, France Parfait, Charles Robert, Laurette et Christian Roussel.

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