Comment obtenir la protection d’une station de plantes ‘rares’ (Orchidées …)

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Jacques Bry

Le texte suivant, écrit par Marcel Bournérias (janvier 1995) et repris ici dans son intégralité, a conservé l’essentiel de son actualité. Certes, des sigles ont changé (la DIREN est devenue la DREAL), des dispositifs qui n’étaient qu’à l’état de projet se sont concrétisés depuis (par ex. le réseau natura 2000, lié à la Directive européenne « habitats » de 1992), de nouvelles structures se sont développées (ENS dans les départements, trame verte et bleue …) mais la philosophie du texte reste d’actualité et les conseils donnés demeurent valables, confirmant que M. Bournérias était bien un précurseur en matière de protection de l’environnement !

Comment obtenir la protection d’une station de plantes 'rares' (Orchidées …)

Premier point, connaître le statut de la station déterminant l’interlocuteur gestionnaire : du domaine public (Etat, Commune, organismes semi-publics …) aux propriétés privées. Ne pas oublier le principe de subsidiarité : il vaut mieux résoudre les problèmes localement ou régionalement, les organismes centraux ne pouvant s’occuper de tout …

Autre principe : il ne faut pas attendre pour agir qu’une menace immédiate pèse sur un site (tracé en cours d’une autoroute ou d’un TGV, urbanisation imminente …) ; le blocage de l’opération est alors pratiquement impossible, si les formes légales ont été respectées : la conservation des sites naturels doit se faire « à froid ». Deux appuis : les organismes officiels, les associations ; deux volets interdépendants : la législation, la persuasion.

1 – Les organismes officiels et associatifs avec lesquels il convient de prendre contact sont principalement :

  • Les directions régionales de l’Environnement (DIREN : une par région), habilitées à traiter tous les problèmes de protection de la flore, de la faune et des milieux ;
  • Les Préfets, responsables de l’application des lois sur les espèces protégées (voir le point 2) ; ils peuvent prendre des arrêtés de protection de biotopes ou d’espèces (mais ne sont pas obligés de les prendre …) ;
  • Les Conservatoires des Sites (existant dans de nombreuses régions) et le Conservatoire du Littoral sont des associations fonctionnant en liaison étroite avec les organismes officiels, notamment les DIREN, réunissant des gens motivés et connaissant bien les problèmes de conservation et de gestion des milieux ; ils peuvent acquérir et gérer des sites dignes de conservation ;
  • Les Conservatoires botaniques nationaux (actuellement Bailleul, Brest, Nancy, Gap-Charance, Porquerolles) peuvent fournir des conseils ou intervenir en vue de la conservation de biotopes d’espèces végétales rares sur les territoires de leur habilitation officielle ;
  • Les associations écologistes (notamment celles qui font partie de France-Nature-Environnement) peuvent apporter un appui scientifique ou juridique.

2 – Arguments juridiques

En cas de menace sur un site, le seul recours possible sur le plan juridique concerne les plantes (ou leurs stations) bénéficiant d’une protection légale. La DIREN de votre région vous donnera toutes précisions sur les points ci-après, qui ne constituent qu’un résumé (ils sont précisés dans l’Atlas de la flore des Hautes-Alpes de E . CHAS (chap. VI et VII : v. Orchidophile n° 111 p. 82), chapitres que l’on aura intérêt à consulter, même loin de la montagne, en raison de leur caractère général) :

a – La loi française interdit toute atteinte à un certain nombre de plantes :

  • sur le plan national (J.O. 13 mai 1992 ; arrêté en cours de révision).
  • Sur le plan régional, voire départemental (arrêtés pris à diverses dates, toutes les régions ne sont pas encore concernées).

Les Préfets sont habilités à prendre des arrêtés de biotopes en vue de la protection des milieux où vivent ces espèces, et à réglementer la cueillette de certaines autres plantes dans leur département.

Il est donc important de savoir si le site concerné est l’objet d’une mesure de protection (arrêté de biotope) ou referme des espèces légalement protégées. Il peut se faire que les orchidées présentes ne soient pas légalement protégées, mais que d’autres espèces végétales, présentes sur les site, le soient : un inventaire botanique complet de la station est souvent d’un grand secours.

Notons que l’inscription du site sur la liste des ZNIEFF peut être invoqué (bien que cette inscription soit en principe seulement informative).

b – La directive européenne « habitat » (mai 1992), avec diverses autres conventions européennes (conv. De Berne …), dont l’application devrait se faire dans les prochaines années (mais qui peut être dès maintenant évoquée) concerne la protection :

  • d’espèces (en fait, déjà protégées sur le plan national) ;
  • surtout de milieux d’intérêt communautaire » (tourbières, pelouses à orchidées …).

3 – Sans agiter d’emblée la panoplie légale

Sans agiter d’emblée la panoplie légale  (mais en, la rappelant si nécessaire), la persuasion est préférable à tout autre moyen, mais peut présenter des dangers notamment vis-à-vis des gestionnaires privés :

  • prendre contact diplomatiquement avec le propriétaire ou le gestionnaire, en justifiant sa demande (membre d’une association scientifique, botanique…) et en lui signalant l’intérêt de la station en cause (éviter les maladresses, comme de parler d’un site que vous auriez observé au sein d’une propriété privée, surtout si elle est close ! On peut par ex. dire : « les flores anciennes signalent telle plante rare dans votre bois ; m’autoriseriez vous, éventuellement en votre compagnie, à la rechercher ?… »). Selon la réaction, poursuivre le contact ou le rompre sans donner d’informations précises (on a vu, dans certains cas, des propriétaires « résoudre le problème » en détruisant la station en cause…).
  • Le contact sera en principe plus facile avec un maire (pour les terrains communaux), mais ici encore il y a des exceptions …
  • Pour les forêts domaniales, le responsable ONF concerné, qui a reçu récemment de son administration des directives concernant la conservation de la biodiversité, est souvent intéressé et coopératif ;
  • Si le contact est bon, examiner avec le propriétaire ou le gestionnaire les dangers pouvant menacer la station, soit en l’absence ou pas cessation d’interventions humains (fermeture du milieu par boisement spontané) ou par d’éventuelles actions défavorables (défrichement, drainage, plantations …). Discuter des possibilités de pallier ces dangers au moindre coût, et si possible montrer avec des arguments rationnels le non-opportunité de l’opération destructrice éventuellement envisagée (ex. : échec prévisible de plantation dans une tourbière …). Sur le terrain ou par courrier, l’avis d’une personne qualifiée (de la DIREN, d’un Conservatoire, d’une Université …) peut être utile.

Bon courage !

Marcel Bournérias.