Où rencontrer des orchidées ?
Il y a plus d’un siècle, les orchidées étaient pour beaucoup de mystérieuses fleurs des forêts tropicales, découvertes au cours des siècles, au péril de leur vie, par de hardis explorateurs. Les plantes récoltées étaient expédiées vivantes en Europe, au prix de mille difficultés, pour l’étude botanique, mais surtout pour l’agrément de gens fortunés qui les cultivaient et en décoraient à prix d’or leurs serres ou leurs appartements. Ce temps est révolu : chacun peut acheter à prix raisonnable de superbes orchidées tropicales chez des fleuristes spécialisés ou même, pour les plus courantes, dans les jardineries ou les grandes surfaces.
Mais savez-vous que d’autres plantes, moins spectaculaires mais souvent très belles pour qui sait les observer, sont aussi des orchidées ? Elles peuplent discrètement les herbages, les forêts ou les montagnes de notre pays. Pourquoi les botanistes ont-ils réuni, sous le même nom d’orchidées, ces modestes fleurs et les merveilles des tropiques ? Tout simplement car toutes ces plantes ont leurs fleurs construites exactement de la même façon, en dépit de leur prodigieuse diversité.
La parure colorée des fleurs d’orchidées
Comparons la partie colorée (appelée périanthe) des fleurs de deux orchidées :
- celle d’une plante horticole spectaculaire, un Cattleya, originaire d’Amérique du Sud tropicale (Fig. 1) ;
- celle d’une orchidée des pentes herbeuses ensoleillées de la région méditerranéenne, un Ophrys (Fig. 2).
Malgré leur aspect très différent, ces fleurs ont bien des points communs :
- dans les deux cas, trois lames verdâtres, les sépales, entour la jeune fleur avant son épanouissement. Dans la fleur ouverte du Cattleya, ces sépales se colorent de diverses façons et s’étalent largement ; ils sont de plus petite taille, qu’ils soient verts, roses ou blancs, chez l’Ophrys ;
- dans la fleur épanouie, à l’intérieur du périanthe et alternant avec les pétales, on observe trois autres lames colorées, les pétales. L’un d’entre eux, le labelle, attire l’attention par sa forme et ses couleurs particulières. Très grand, vivement coloré, à bords festonnés chez le Cattleya, il est velouté et sombre, simulant de loin un insecte ou une araignée chez l’Ophrys, où les deux autres pétales sont petits, en courte languette velue, alors qu’ils sont larges et colorés chez le Cattleya.
Le périanthe des 30 000 espèces d’orchidées répertoriées dans le monde est construit sur le même modèle :
- trois sépales externes ;
- trois pétales sont un, le labelle, est de forme et/ou de couleur particulière.
Un grand nombre de fleurs (lis, églantine) ont des pétales de même taille, leur donnant la forme d’étoiles (Fig. 3). Ces fleurs, ayant l’aspect le plus habituel, sont qualifiées de régulières, ou mieux, d’actinomorphes (du grec actinos = étoile, cf. encadré 2). A cause de leur labelle, les fleurs d’orchidées ont au contraire une symétrie bilatérale (à la façon d’un visage, Fig. 4) ; souvent dite irrégulière, leur forme n’a rien d’une anomalie, aussi les botanistes préfèrent-ils qualifier ces fleurs de zygomorphes (du grec zygos, le joug associant les bœufs utilisés aux temps anciens pour le labour). Mais les fleurs d’orchidées ont encore d ‘autres caractères en commun…
Où sont les organes reproducteurs dans la fleur des orchidées ?
Au centre de la fleur des orchidées, on observe un petit organe allongé, la colonne. Celle-ci est de forme variée, elle est verte et bien visible chez un Ophrys (Fig. 5), plus discrète chez un Cattleya. Quoique minuscule, la colonne joue le rôle principal dans la reproduction de la plante. Pour comprendre cela, il est nécessaire d’observer une fleur dont les organes reproducteurs se distinguent facilement, chez la tulipe par exemple (Fig. 6).
Revenons à nos orchidées. Soudée à la colonne, il existe presque toujours une seule étamine (les Cypripedioideae, ou sabots de Vénus ont cependant deux étamines) réduite à son anthère : deux amas jaunes, formés de grains de pollen, sont particulièrement visibles chez les ophrys. Ils sont prolongés par un mince pédicelle : l’ensemble, appelé pollinie (Fig. 5), évoque une minuscule massue. A son extrémité, une partie collante, le rétinacle, se fixe aisément sur toute pointe délicatement introduite au centre de la fleur : la pollinie se détache en bloc. Dans la nature, elle se fixe de la même façon sur la tête d’un insecte butineur. Au cours de son voyage, le pédicelle de la pollinie se courbe vers l’avant : l’insecte visitant une autre fleur dépose le pollen sur une minuscule surface collantes située à la base de la colonne : c’est le stigmate de la fleur qui permet la germination du pollen jusqu’à l’ovaire et aux ovules. La colonne est donc un organe à la fois mâle (étamine) et femelle (stigmate), ce qui lui vaut le nom botanique de gynostème (cf. Encadré 2). Mais où est donc l’ovaire ?
Il est sous le périanthe ! En effet, le pédoncule floral présente un renflement qui grossit quand la fleur commence à se faner (Fig. 7). Ce renflement se transforme bientôt en un fruit sec, une capsule (Fig. 8) qui se fend en libérant une multitude de graines microscopiques que le vent peut disperser. L’ovaire de la fleur d’orchidée, situé sous le périanthe, est dit infère, par opposition à celui de la tulipe, qualifié de supère. En résumé, la fleur des orchidées présente les caractères suivants :
- un périanthe à trois sépales et trois pétales ;
- un pétale, le labelle, ayant une forme particulière (fleur zygomorphe) ;
- une étamine (rarement deux) soudée au pistil en un gynostème ;
- un ovaire, infère, donnant après fécondation un fruit sec (capsule).
Diversité des orchidées européennes
Les orchidées de nos régions sont des plantes d’aspects très variés. A partir du même modèle floral, dame Nature a fait preuve de beaucoup de fantaisie :
- la taille des fleurs peut varier de quelques millimètres pour l’Orchis brûlé à plusieurs centimètres pour le Sabot de Vénus ;
- les fleurs, peu nombreuses sur une tige d’Ophrys, peuvent former une masse compacte (près d’une centaine) chez Orchis (Fig. 10) ;
- la labelle présente les plus fortes variations de couleurs et de formes. Chez un certain nombre d’orchidées, il possède un prolongement creux, l’éperon (Fig. 9) ; celui-ci sécrète parfois un nectar sucré. Ce dernier, ainsi que le parfum et les couleurs des fleurs, attire un grand nombre d’insectes butineurs susceptibles de transporter le pollen ;
- les deux autres pétales et sépales ont aussi une forme et des couleurs variées ;
- il existe le plus souvent une seule étamine, mais elles sont deux dans le sabot de Vénus. Le pollen, souvent en pollinies, forme parfois des amas moins compacts.
L’appareil végétatif de nos orchidées françaises a des caractères communs, avec là aussi quelques variations :
- leurs parties souterraines persistent dans le sol pendant l’hiver. Leurs racines sont souvent renflées en tubercules, arrondis chez Orchis et Ophrys, aplatis en forme de main chez Dactylorhiza. Ces tubercules sont associés par deux. L’un nourrit la plante qui grandit et se dessèche peu à peu ; l’autre grossit plus tardivement et ses réserves seront utilisées l’année suivante. D’autres orchidées (Epipactis) n’ont pas de tubercules, mais un rhizome souterrain, également persistant ;
- leurs tiges sont souvent herbacées, après fructification, elles disparaissent généralement au cours de l’hiver. L’orchidée est alors invisible, sauf chez quelques espèces des forêts où les tiges desséchées apparaissent encore l’année suivant la floraison ;
- leurs feuilles sont souvent réunies en rosettes à la base de la tige (Fig. 10), mais sont parfois insérée sur toute la longueur de la tige. Elles ont presque toujours des nervures parallèles, à la seule exception de Goodyera, orchidée des pinèdes, où elles sont ramifiées (Fig. 11) ;
- certaines orchidées sans chlorophylle ont des feuilles atrophiées, semblables à des écailles. La Néottie (Fig. 12), entièrement brune et le Limodore violet vivent associés en symbiose avec des champignons microscopiques qui leur apportent l’eau et les substances nutritives indispensables, d’ailleurs prélevées aux arbres voisins qui n’en souffrent guère. Notons que cette association avec des champignons du sol est un fait général chez les orchidées. Ils aident de la même façon la germination des minuscules graines des orchidées, dépourvues de réserves nutritives. C’est l’un des multiples et étonnants problèmes biologiques que cette prodigieuse famille pose aux botanistes.
Encadré 1
Le rôle de la fleur
Rappelons que les fleurs possèdent les organes reproducteurs nécessaires à la formation des fruits et des graines. Ces fruits peuvent être charnus (la cerise) ou secs (gousse ou cosse du haricot contenant la graine de même nom). Chez une fleur, celle de la tulipe par exemple, le pistil, situé au centre, présente à sa base une partie renflée, l’ovaire, contenant de minuscules organes ovoïdes, les ovules. En fin de floraison, chaque ovule se transforme en une graine, alors que l’ovaire est devenu un fruit sec, arrondi, d’où s’échapperont les graines en grand nombre. Par analogie avec le règne animal, le pistil est donc l’organe femelle de la plante. Le responsable des transformations précédentes est le pollen, une poussière de cellules formées dans l’extrémité, ou anthère, des six étamines entourant le pistil. Visitant la fleur, des insectes heurtant les étamines se couvrent de pollen. Ils peuvent en déposer une partie s’ils touchent par hasard l’extrémité collante du pistil, le stigmate. Chaque grain de pollen ainsi fixé germe et donne un prolongement (le tube pollinique) qui atteint un ovule et provoque sa transformation en graine. Cette transformation est la fécondation (phénomène complexe ici très simplifié). Les étamines constituent ainsi les organes mâles de la fleur.
Encadré 2
N’ayez pas peur du grec !
Comme dans toutes les professions (ou dans d’autres domaines, comme les sports), il existe un vocabulaire spécialisé. Utiliser le vocabulaire botanique, ce n’est pas chercher à étaler sa science, mais se servir de termes désignant avec précision tel organe ou telle particularité d’une plante. Les mots du vocabulaire scientifique ou les noms des végétaux ont été forgés de longue date à partir de termes latins et grecs. Les mots spécialisés du botaniste ne sont pas plus difficiles à retenir (ou plus prétentieux) que photographe, téléphone, thermomètre, magnétoscope, chlorophylle, etc. que vous utilisez pourtant souvent. Amusez-vous à en rechercher d’autres et de trouver leur étymologie (tiens, encore un mot grec !).
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